Formes qui se font, qui se défont, qui s’éteignent. Pierres qui surgissent de la terre - et architectures qui se laissent recouvrir par la terre, jusqu’à se confondre avec le paysage : ruines. Pas de ces ruines élégantes qui offrent un miroir à la mélancolie du voyageur, mais des vestiges nus, qui sont déjà hors de l’histoire, et font signe vers un avant plus archaïque que les civilisations dont elles sont les traces.

Le terme quechua Pachacuti fait signe vers un temps plus vaste que celui de l’histoire humaine : il signifie «révolution, bouleversement» (cuti) de l’«espace-temps» ou de la «terre» (pacha). Cette notion centrale dans la pensée cosmogonique inca désigne les cycles réguliers de destruction et de recréation cataclysmiques du monde.

Ces photographies sont le fruit de deux voyages au Pérou. C’est au Nord du pays que je suis allée photographier ces sites, connus ou quasi inconnus, à la fois sur la côte, et dans les montagnes : Chan Chan, La Huaca del Sol, La Huaca de la Luna, Cumbe Mayo, Hatun Machay, Queneto... Ce n’est pas avec un oeil d’historienne ni de géologue que je me suis appochée de ces sites. A travers les ruines, à travers les formations géologiques, c’est l’espace que j’ai voulu photographier : cette immensité abrupte et sans accueil que l’on trouve surtout dans les régions andines - cette démesure qui n’écrase pas, mais soulage, parce qu’elle «fait don» du sol et du ciel.